Des cours de percussions corporelles à destination des jeunes migrants

14 avril 2018

©Charlotte Bergue

Diane Villanueva investit une fois par mois le chapiteau Raj’ganawak, à Saint-Denis, pour initier à son art des mineurs isolés récemment arrivés en France.

 

« On enchaîne ! Pied, clap, pied pied clap, torse torse cuisse cuisse, pied pied clap ! » scande la professeure à l’enthousiasme communicatif. Abdou a perdu le fil ; pas facile de suivre la cadence. Il n’abandonne pourtant pas son large sourire. Les sourires, justement, sont sur tous les visages. 

La petite scène circulaire du chapiteau Raj’ganawak accueille cet après-midi là le cours de Diane Villanueva. Ils sont huit à s’y présenter. Sept garçons et une fille, tous originaires d’Afrique subsaharienne et âgés de 15 à 17 ans. C’est la première fois qu’ils s’essayent aux percussions corporelles. 

La séance commence par une question : savez-vous ce que sont les percussions corporelles ? Silence dans la salle. Diane explique: « C’est utiliser son corps comme instrument de musique. On est entre la musique et la danse. » Ousmane, 16 ans, lui demande timidement s’il a sa place. Diane insiste : « Bien sûr que tu as ta place, tout le monde l’a. » 

Depuis quinze ans, la musicienne enseigne le chant et les percussions corporelles à des publics « différents » : détenus, autistes en milieu hospitalier et aujourd’hui, jeunes migrants. Elle donne cours à titre bénévole pour ces derniers. C’est son amie Laurène, qui organise et coordonne les ateliers, qui l’a convaincue. Engagée dans le milieu associatif, elle héberge chez elle un adolescent migrant et voulait développer des activités culturelles et ludiques pour ces mineurs isolés. Mineurs dont elle suit l’évolution et les victoires. Ils étaient quinze dans le groupe précédent et ont tous été scolarisés. 

Le cours débute. La musique entraînante donne le ton. Tandis que Diane bat la mesure, les élèves enchaînent les rythmes et les chorégraphies. Clap de mains, claquements de doigts, tapes sur le torse ou sur les cuisses alternent à vitesse variée. Certains jeunes groovent plus que d’autres mais tous progressent rapidement. Si les élèves sont concentrés, ils évoluent dans une ambiance décontractée. Les blagues de la professeure et son attachement à personnaliser ses interventions pour « donner à chacun son importance » mettent les élèves à l’aise. Elle a d’emblée retenu tous les prénoms, sans exception. Des liens se nouent. Aucun des participants ne connaissait les autres. Pourtant, à en voir la complicité entre Abdoulaye et Lassana, on pourrait croire qu’ils sont amis depuis toujours. 

Les cinq dernières minutes sont consacrées à la créativité. Les élèves forment une ronde. Un à un, ils rejoignent le centre pour improviser une danse encouragée par les clap de mains des autres. L’appréhension des débuts s’est envolée. A la fin, ils étaient tous essoufflés mais fiers de leur prestation. Même Ousmane, le plus réservé du groupe, a mis sa timidité de côté. Voilà quatre mois qu’il est arrivée en France. Il a décollé de Côte d’Ivoire avec son passeur qui s’est enfui avec son argent et ses papiers. Il a dormi un mois dehors, « comme tout le monde ». « Si tu n’as pas de famille ici, la rue, c’est le passage obligatoire » note-t-il placidement. Le département du Val-de-Marne et plusieurs associations – parmi lesquelles BAAM ou France terre d’asile – l’ont ensuite pris en charge. Aujourd’hui, il loge dans un hôtel de Villeneuve-Saint-Georges et s’inscrit à toutes les activités qu’on lui propose, un moyen de rompre avec la solitude. Il reviendra aux ateliers de Diane et, bientôt, comme les membres du groupe précédent, il sera scolarisé. En attendant, il révise tous les jours en vue de l’examen qui déterminera s’il ira au collège ou au lycée.