L’hystérie. Terme initialement créé pour désigner une maladie essentiellement féminine et qui est aujourd’hui majoritairement utilisé dans le langage courant pour traduire l’image d’une personne, de préférence une femme, qui serait folle, trop émotive, trop intense, etc. L’hystérie est un terme sexiste, de sa création à son utilisation actuelle, tout est discutable, pour ne pas dire rejetable.
Alors d’où vient l’hystérie, mot préféré des antiféministes ? Et comment est-ce devenu un outil du patriarcat ? Nous vous expliquons tout ici.
Le terme hystérie nous vient d’Hippocrate. Il avait utilisé ce terme signifiant : utérus, en grec, pour désigner ce qui avait été identifié comme des comportements étranges touchant essentiellement les femmes, installant ainsi l’idée de « maladie de l’utérus » qui traversera les siècles.
Au moyen-âge, la maladie prend une connotation diabolique et le traitement se trouve alors dans l’exorcisme. À cette époque, il est décrété que l’hystérie trouve sa cause dans des problèmes de sécrétions liés au vagin ou aux menstruations. On la retrouve alors attribuée à la vierge qui ne produit pas de sécrétions vaginales, ou encore à la femme ménopausée qui n’évacue pas correctement le sang menstruel. Les suffocations ou convulsions sont également perçues comme la manifestation d’un plaisir sexuel et sont donc directement liées au péché. Ces accusations d’hystérie pouvant être traitées uniquement par un exorcisme entretiennent alors l’image de la femme sorcière qui est accusée de tel au moindre écart de conduite : les femmes seules, les vieilles femmes, les femmes qui aiment un peu trop le sexe, les femmes qui n’entrent pas dans le schéma classique. L’hystérie devient alors objet de question sociétale et se détache de l’approche médicale.
Au fil des siècles, plusieurs tentatives de scientifiques seront faites pour démontrer que l’hystérie existe également chez les hommes, sans succès. Au XIXe siècle, l’utilisation du terme « hystérique » deviendra systématique pour désigner chaque comportement dit « déviant » de la femme. On y retrouve le manque de sommeil, le stress, le désir sexuel, les sécrétions vaginales dites disproportionnées, l’irritabilité, etc. L’hystérie reste dans cette ligné de désigner les femmes qui ne rentrent pas dans les codes déterminés par le patriarcat.
C’est à cette même période, au XIXème siècle, que l’hystérie cesse d’être liée à l’utérus, pour devenir essentiellement un problème psychique sous le regard de Freud. Celui-ci détermine l’hystérie comme résultant d’un traumatisme lié à la sexualité. Ainsi, la maladie de l’utérus disparaît pour laisser place à une maladie psychique. Cependant, celle-ci reste concentrée essentiellement sur la sexualité de la femme, réduisant sa santé globale à ce domaine trop étroit.
Freud propose alors plusieurs théories au sujet de l’hystérie, dont une particulièrement parlante, expliquant que cette pathologie viendrait d’une frustration que posséderait la femme par son absence de pénis. Nous nous contenterions donc du clitoris jusqu’à la découverte oh combien attendu du phallus lors de notre première rencontre intime avec un homme. Il avance ainsi que la femme doit renoncer au plaisir clitoridien considéré comme immature et accéder à l’orgasme vaginal pour devenir adulte. Si elle échoue, elle risque alors de tomber dans l’hystérie face à l’absence du plaisir phallique ultime.
Alors les filles, nous vous le demandons ? Combien sont concernées par cette douce hystérie clitoridienne ?
Heureusement, des médecins et scientifiques ont continué de travailler sur le sujet, et aujourd’hui, l’hystérie désigne, dans le milieu médical, une classe de névrose où le problème psychique qui s’exprime par des symptômes physiques ou psychologiques. On y retrouve des crises émotionnelles, de phobies, etc. L’hystérie est étendue aux hommes et si le terme est encore utilisé de façon sexiste en société, il ne l’est officiellement plus dans le milieu médical.
Le terme hystérie est aujourd’hui utilisé pour décrire une femme qui ne sait pas contenir ses émotions ou qui semble déséquilibrée. Il devient l’adjectif préféré des antiféministes pour décrire les militantes, entretenant la norme d’une femme qui doit rester silencieuse, ne pas se plaindre, et surtout, ne pas remettre en cause la société dans laquelle elle est. Nous retrouvons ainsi, dans Valeurs actuelles par exemple, l’utilisation du terme hystérie à plusieurs reprises pour décrire les féministes ou leurs actions. L’hystérie va ainsi de pair avec l’utilisation du champ lexical de la folie, sélectionnant les “bons” mots, pour pousser à l’exclusion des femmes en colère et pour contribuer à leur marginalisation.
Cette utilisation de l’hystérie se retrouve plus généralement dans la société, notamment en politique, où plusieurs femmes ont été victimes de l’utilisation de ce propos. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, une femme qui s’exprime, ou tape du poing sur la table, se voit alors affubler de l’étiquette de l’hystérique. Sandrine Rousseau en fut notamment la victime lors de sa campagne face à Yannick Jadot, où elle exposait ses positions féministes. Elle est alors décrite comme hystérique et est décrédibilisée par la même occasion.
Dans la vie de tous les jours, nous avons probablement tous·tes constaté une utilisation abusive du terme hystérique, lorsqu’une femme de notre entourage se met en colère, ou fait une crise de panique. Le résultat ici est bien souvent une silenciation de la femme en question qui retrouve alors son émotion relayée au rang de folie. Peu importe la raison de sa colère ou de sa panique, celle-ci devient insignifiante et disparaît au profit de l’image d’hystérie qui lui incombe alors.
Non, une femme qui crie contre un homme qui la harcèle n’est pas hystérique. Non, une femme qui craque sous la pression d’un temps plein et de la gestion de trois enfants n’est pas hystérique. Non, une femme qui s’énerve n’est pas hystérique. Si l’hystérie est à l’origine, une maladie bien spécifique, la société tend à l’oublier au profit du patriarcat pour s’en servir comme une méthode pour réduire la femme au silence. Femme, rangez vos émotions et votre colère, sous peine d’être traitée de folle. Parce que : comment décrédibiliser au mieux quelqu’un qui s’exprime ? En transmettant l’idée qu’iel a juste perdu la tête.
Faites attention autour de vous à l’utilisation de ce mot bien biaisé. Vous remarquerez qu’il est rarement au masculin, et presque exclusivement utilisé à mauvais escient.