Lisandre Attyé
Samedi 25 novembre, dans de nombreuses villes françaises, avait lieu la manifestation annuelle contre les violences faites aux femmes, à l’initiative des collectifs #NousToutes et Grève féministe. Les manifestants réclament notamment des moyens supplémentaires au gouvernement.
À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, qui a lieu chaque 25 novembre, les associations féministes ainsi que les syndicats ont appelé à manifester dans toute la France pour une meilleure protection des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles. La majorité des manifestants, beaucoup de femmes, mais aussi quelques hommes, portaient une touche de violet, la couleur du féminisme.
À Paris, la marche a rassemblé 80 000 personnes entre la place de la Nation et la place de la République, selon #NousToutes et la CGT, et 16 500 personnes selon la préfecture de police. En tête du cortège parisien, c’est plein d’émotion que les manifestants ont brandi les portraits des 121 femmes tués par leurs conjoints depuis le début de l’année 2023. La capitale n’est par ailleurs pas la seule ville à s’être mobilisée. Dans toute la France, et notamment à Bordeaux, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Strasbourg ou encore Toulouse, les manifestants ont défilé dans une ambiance festive au son des percussions et des chansons féministes. « Solidarité avec les femmes du monde entier ! » ou le cri de ces femmes qui veulent faire entendre leur voix, parfois étouffé par une société encore trop patriarcale.
La manifestation a également été marquée par une action des Femen visant à dénoncer les crimes de guerre à l’encontre des femmes dans les conflits actuels. Des slogans comme « leurs guerres nous violent et nous tuent » ou encore « le corps des femmes, leur champ de bataille ». Connues pour la provocation de leurs actions, les Femen étaient vêtues d’un pantalon blanc tâché de faux sang à l’entre-jambe, d’un dessin de cible sur le torse et de leurs habituels seins nus.
C’est sur les réseaux sociaux que le collectif Grève féministe a lancé son appel à manifester. Aux côtés des collectifs #NousToutes et de Grève féministe, plusieurs associations féministes d’autres pays se sont joint à la marche : kurdes, afghanes, palestiniennes, ukrainiennes, colombiennes, etc. À leurs côtés dans le cortège, les patronnes de la CGT, Sophie Binet (la première femme secrétaire générale de la CGT), et de la CFDT, Marylise Léon. Les représentants de FSU ainsi que Solidaires étaient également présents. Cette présence diversifiée avait pour but de représenter les femmes du monde entier, afin qu’aucune d’entre elles ne soit oubliée.
Parmi les revendications des organisatrices, un budget de plus de deux milliards d’euros pour « la lutte contre les violences de genre et l’adoption de politiques publiques adaptées » avec trois axes d’actions : la prévention des violences, l’accompagnement des victimes et la garantie à l’accès équitable pour les droits fondamentaux. Au premier abord, ce sont des revendications qui semblent normales et légitimes, pourtant, elles sont loin d’être acquises.
Plus concrètement, les associations demandent une meilleure prévention des violences dans le système éducatif grâce à « l’éducation à la vie sexuelle et affective » mais aussi la lutte contre « la culture du viol propagée par l’industrie pornographique ». Sur le plan professionnel, les manifestantes demandent des sanctions contre les entreprises qui n’ont pas mis en place des plans de prévention des violences sexistes et sexuelles et « l’accompagnement des victimes au travail« . Elles réclament la création de 15.000 places d’hébergement dédiées aux femmes fuyant leur conjoint violent.
Message important en ce jour de mobilisation contre les violences faites aux femmes. pic.twitter.com/MU6tfDu2mZ
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) November 25, 2023
Samedi matin, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est exprimé dans une vidéo sur X (anciennement Twitter) dans laquelle il met en avant son engagement pour l’égalité entre les femmes et les hommes depuis le début de son premier quinquennat, en 2017. Vidéo qui a grandement fait réagir dans les commentaires, remettant en cause la crédibilité de ses paroles. Selon le président, la « persistance de la violence faite aux femmes n’est pas une fatalité », avant de poursuivre « nous devons y mettre fin et nous allons le faire ». Il a par la suite énuméré les actions déjà mises en place par le gouvernement au cours de ces dernières années, à savoir l’élargissement des horaires du 3919 (numéro d’urgence contre les violences sexistes et sexuelles), la facilitation du dépôt de plainte et la création de places supplémentaires en hébergements d’urgence, entre autres. Ce sont des mesures qui ont « porté leurs fruits » se félicite Emmanuel Macron.
Au même moment, la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard, a annoncé sur France 2, et relayé par Le Parisien, un projet de loi pour réduire à 24 heures le temps de délivrance des ordonnances de protection, actuellement de six jours. Aussi, le décret d’application de la loi instaurant une aide financière d’urgence pour les victimes de violences conjugales, votée en février dernier au Parlement, a enfin été publié au Journal officiel.
Pourtant, ces mesures sont loin d’être suffisantes quand on sait qu’à l’heure actuelle, « l’État ne dépense que 185 millions d’euros » pour la cause, selon Suzy Rojtam, du collectif Grève féministe, bien loin des deux milliards réclamés par les associations. « Nous ne voulons plus compter nos mortes » a déclaré Maëlle Lenoir, coordinatrice nationale de #NousToutes lors d’un point presse, avant de poursuivre « les réformes à la marge ne suffisent pas ».
Alors qu’en 2022, le bilan des féminicides s’élevait à 118, on en compte 3 de plus sur les 11 premiers mois de 2023. Malgré ce lourd bilan, l’impunité autour des violences à l’égard des femmes persiste en France. Selon les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur, 73% des plaintes pour viol ou tentatives de viol sont classées sans suite. Cette impunité participe à favoriser la culture du viol.
Agressions sexuelles, cyberharcèlement, sexisme ou encore féminicides, chaque jour, des milliers de femmes et de filles du monde entier sont victimes de violences sexistes et sexuelles ciblées, en raison de leur genre, perpétrés au nom de traditions ou de lois injustes. À l’heure actuelle, les décisions gouvernementales ne suffisent toujours pas. Comment une femme peut-elle se sentir en sécurité quand on sait qu’en France, 1 femme sur 2 a déjà subi au moins une fois une violence sexuelle et que 94 000 femmes sont victimes de viol ou tentative chaque année ?
Courage mesdames. Si vous êtes victime de violences, quelles qu’elles soient, contactez le 3919, la plateforme d’écoute, d’information et d’orientation des victimes de violences sexistes et sexuelles. On vous croit !