Aperçues : les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence au festival Solidays !

3 août 2022

Les Nanas d’Paname se baladaient au festival Solidays lorsque tout d’un coup : elles étaient là, vêtues de paillettes et de coiffes de nonne ! Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, un collectif Queer inspirant avec lequel nous avons pu échanger. Nous partageons avec vous cette rencontre à travers cet article.

Inez Jean-Baptiste

Les Nanas d’Paname x Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence

Notre rencontre

Tout a commencé lors d’une rencontre à l’exposition Sex in the city réalisée et entretenue par les bénévoles de Solidarité sida. Quoi de mieux que d’allier bonne cause et plaisir lors de ce prestigieux festival que l’on ne vous présente plus : Solidays !

Festival Solidays

Exposition Sex in the city au festival Solidays, 26 juin 2022, ©LESNANASD’PANAME

Passant de salle en salle à la découverte de notre corps et de notre plaisir, découvrant tout ce que l’on pouvait ignorer sur le Sexe avec un grand S, elles se tenaient là, assises avec un godemichet et une capote à la main. Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence. Ce ne sont pas des bonnes sœurs comme les autres. C’était comme si un arc-en-ciel avait avalé des nonnes, les avait secouées au shaker à paillettes en leur donnant les gifles de la vie, et les avait recrachées au festival Solidays. Telle est la recette pour être engagé.e ?

À vrai dire, les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence existent depuis un moment déjà. Les deux qui se trouvaient assises devant nous à l’exposition Sex in the city ne représentaient qu’une infime partie de la communauté. En 1979, le couvent de San Francisco était la première association à organiser une soirée au profit de la lutte contre le sida. Vous imaginez un peu l’avant-gardisme de l’époque ?

C’est avec innocence et un soupçon d’admiration qu’on s’est assises à leur table. Les premiers mots qui sont sortis de notre bouche concernaient leur maquillage haut en couleurs et en glitters ! Digne d’une Nana d’Paname évidemment. Sœur Tur Lutecia du Couvent de Paname et Soeur Pupuce du Pubis du couvent du nord se sont présentées à nous. Vêtues d’une tenue de nonne revisitée à la Lady Gaga, du tissu en moins, des couleurs et des paillettes en plus, vous obtenez votre uniforme de Sœur de la Perpétuelle Indulgence.

Le début d’un mouvement fédérateur

Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence au festival Solidays, 26 juin 2022, ©CHANG MARTIN

On s’est toujours demandé.e comment est né ce mouvement libérateur qui casse les codes. Sœur Tur Lutecia s’est mise à nous raconter l’histoire du collectif Queer :

“À la base, les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence c’est juste une blague entre des copains qui sont sortis habillés en bonnes sœurs avec des pistolets à eau. Puis ça a créé quelque chose, un peu comme par magie. Le simple fait de voir des nonnes avec des pistolets à eau suscitait de l’intérêt, et générait de la discussion. Et avec les prémices du VIH qui nous sont tombées sur la gueule, on s’est dit qu’il fallait se serrer les coudes, qu’on avait peut-être besoin de sœurs pour nos communautés. Il existe des personnages religieux pour plein de gens mais pas pour les gays, les marginaux, tous ces gens qui ne sont pas dans les normes de cette société. Certains nous voient comme trop colorées, trop folles, trop ceci, trop cela…”

En reprenant les codes du couvent, les Sœurs ont des vœux qui sont présents tout au long de leur parcours et qu’elles répètent en tant que novices et Sœurs accomplies. Le premier : promulguer la joie universelle. Le second : rejeter la honte, notamment la honte culpabilisatrice. Le troisième : préserver la paix entre les communautés.

Pendant la crise du Covid-19, les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence sont aussi celles qui se sont mobilisées pour les personnes souffrantes de l’isolement. L’occasion de mettre en commun des moyens d’avoir accès à de la nourriture ou des médicaments pour des tas de populations. Notamment pour les travailleuses du sexe, les femmes sur le trottoir qui ont été extrêmement délaissées. Parfois, il y a juste besoin de balancer quelques-unes de ces paillettes pour redonner un second souffle aux liens et à la solidarité entre communautés.

Pour Sœur Pupuce du Pubis, leurs causes sont précieuses : “Nous, Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, répandons de l’amour et de la joie pour faire évoluer les consciences. Nous faisons des actions dans des lieux en contact direct avec les personnes, que ce soit dans des bars, des discothèques ou encore sur le trottoir. On rend visite à des personnes minorisées, on organise également des ressourcements. Ce sont des petits séjours où les Sœurs embarquent des gens qui vivent avec le VIH pour sortir de leur cadre et changer de paysage. Sortir du quotidien, avec toute la folie et la tendresse que peuvent apporter les Soeurs, permet de retrouver des forces. Donner de notre temps pour créer cette bulle est important.”

Une bataille d’idéologies menée par les Sœurs

Collectif Queer Solidays

Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence au festival Solidays, 26 juin 2022, ©ROMAIN VINCENT

Au fur et à mesure de notre échange avec deux des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, nous arrivions à comprendre pourquoi la première Sœur française de ce mouvement international était une journaliste. Il y a tout un travail de revendication, de combat contre celles et ceux qui nous enlèvent nos droits. Tout est lié à la fois à l’histoire et à l’actualité. Les mots sont plus forts lorsqu’ils sont prononcés à plusieurs.

Nous avons oublié que nous nous trouvions en plein milieu d’une exposition de Solidays. L’actualité du moment sur le droit à l’avortement retiré aux États-Unis nous révoltait. Les voix des Sœurs résonnaient comme un espoir :

“On parle de l’interdiction d’avorter dans notre messe à Solidays, nous n’étions pas visionnaires mais nous le sentions toutes arriver. Ce n’est qu’une partie de l’iceberg que l’on voit et que l’on vit en ce moment. Avez-vous entendu parler de la repénalisation de l’homosexualité ? Il y a une vraie bataille idéologique menée depuis des années. Sur le plan occidental, on est axé.e.s sur toutes les questions touchant à nos droits notamment à propos du mariage, des PMAs, de la reconnaissance des transidentités. On se retrouve sur un terrain législatif qui devient une nécessité pour notre survie au quotidien. On a besoin d’avoir de nouveau des batailles et des victoires, on ne peut plus se contenter de résister. Soyons victorieu.x.ses ensemble puisqu’il n’y a que comme ça qu’on gagnera des droits et la bataille des idées contre ces réactionnaires qui attaquent l’avortement, l’accès à la contraception et des droits humains. Ils jugent nos amours, nos familles, ils disent haut et fort que l’on n’est pas légitime à porter ou élever un enfant. C’est horrible. En 2022, peu importe les technologies incroyables qui existent, ces gens-là ne sont pas capables de laisser aux autres la possibilité d’aimer qui iels veulent. On en est là.”

Ces paroles résonnent encore dans nos têtes : “On en est là.” Comme Simon Veil l’avait dit, on peut perdre des droits durement gagnés aujourd’hui. Les évolutions sont toujours dangereuses. Sœur Tur Lutecia nous prévient :

“Ça devient dangereux si tous ces bagages de lois arrivent entre de mauvaises mains. Injuste soit-il pour ceux qui se battent au quotidien pour faire avancer les droits. Les batailles qui sont menées à différents plans comme le climat, les droits humains ou les libertés civiles ont un point commun : pouvoir dire ce qu’on veut, vivre comme on l’entend et ne pas avoir de contrôle sur nos vies.”

 

Violence = devoir de mémoire

collectif Queer Solidays

Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence à la messe de Solidays, 26 juin 2022, ©LESNANASD’PANAME

L’heure de la messe à Solidays approche, il est temps de mettre fin à cette discussion intense. Mais il est essentiel de mettre le doigt sur un point : le devoir de mémoire. Il doit perdurer face aux violences qui subsistent au sein de notre société.

Pour Sœur Pupuce du Pubis, c’est un sujet politique : “Les violences extérieures existent, il n’y a qu’à prêter attention aux résultats des dernières législatives. On a une montée de l’extrême droite en France. Leurs valeurs sont aux antipodes de l’ouverture et permettent à beaucoup de fachos d’exprimer leurs opinions homophobes, transphobes, lesbophobes ainsi que plein d’autres discriminations. Nous luttons donc contre les dérives du capitalisme.”

Sœur Tur Lutecia rétorque : “Les violences intracommunautaires sont elles aussi présentes, il faut en être conscient.e. C’est pour cette raison que le devoir de mémoire est important. Se rappeler de son histoire, c’est aussi se souvenir de qui s’est entraidé et de ne pas reproduire certaines erreurs. Il faut se souvenir qui est mort et dans quelles circonstances. Pourquoi dans ce monde il y a encore autant de pays qui pénalisent l’homosexualité, qui interdisent l’avortement ?  Ce travail de mémoire, pour différentes causes que l’on rend vivant, nous permet de recréer du lien social avec un élan de solidarité.”

collectif Queer Solidays

Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence à la messe de Solidays, 26 juin 2022, ©LESNANASD’PANAME

C’est sur ces derniers mots prononcés avec ferveur par Sœur Tur Lutecia, que nous nous sommes quitté.e.s. Tout s’est bousculé dans nos têtes. Nous sommes Les Nanas d’Paname et nous partageons les mêmes valeurs. Sûrement l’une des plus importante, la sororité, permet de rassembler nos communautés et de faire bouger les lignes. Lors de cette messe à Solidays, où toutes les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence se sont réunies sur scène le point levé en mémoire à toutes ces personnes qui ne sont plus là parce qu’elles ont essayé de vivre librement, nous avions compris. Compris qu’ensemble, nous sommes plus fort.e.s.