À l’occasion de la journée mondiale des sourd.e.s ce 24 septembre 2022, nous avons rencontré Elise Khettat, fondatrice de la marque de cosmétiques Le Rouge à Ongles ainsi que son acolyte Makann, sourde de naissance. Le Rouge à Ongles travaille uniquement avec des professionnelles de l’esthétique sourde, un concept unique en France.
Inez Jean-Baptiste
Selon une étude de l’OMS réalisée en 2021, près d’1 million d’enfants naissent chaque année atteints de surdité. En France, 6% des 15-24 ans sont concerné.e.s par la déficience auditive incapacitante ainsi que 65% de la population âgée de 65 ans et plus.
Il existe deux types de surdité : la surdité de perception et la surdité de transmission. La perte d’acuité auditive, appelée surdité ou hypoacousie, est la diminution de l’ouïe suite au vieillissement.
Chez l’enfant, plus une surdité est détectée tôt, moins elle a un impact sur le développement du langage. Une perte d’acuité auditive peut être éphémère ou irréversible. Elle survient brutalement ou progressivement et atteint une oreille ou les deux. Heureusement toute surdité ne vous empêche en aucun cas de communiquer avec le monde. La preuve étant : la journée mondiale de la langue des signes du 23 septembre !
Mais qu’en est-il de la journée mondiale des sourds ? Pour tout vous dire, la Fédération Mondiale des Sourds est à l’origine de cette journée iconique ! La fédération recommande à toutes les associations nationales membres (123 pays) d’organiser la journée mondiale des sourds et de la surdité dans la dernière semaine ou le dernier samedi du mois de septembre. La Journée Mondiale des Sourds est donc célébrée le samedi 24 septembre en 2022. L’objectif est de sensibiliser la population à la reconnaissance de la culture sourde et la langue des signes.
©Le Rouge à Ongles
Elise Khettat, fondatrice de la marque Le Rouge à Ongles, passe un message puissant d’entrée de jeu. Son slogan “L’art de parler avec les mains”, vous donne un avant-goût de son projet qui est de travailler avec des femmes sourdes.
Cette entrepreneuse de poigne respire l’inclusivité et ne manque pas de faire bouger les lignes : “ Je ne pouvais pas imaginer le faire sans avoir un engagement et un impact positif. J’ai surtout choisi de travailler avec des femmes en quête d’indépendance et qui se dépassent pour devenir de meilleures expertes chaque jour.”
Ce puissant concept lui vient tout droit d’un constat : “Observez une femme avec les ongles faits, vous verrez que le vernis à ongles transforme la manière avec laquelle elle s’adresse au monde. Elle parle avec les mains, elle occupe l’espace… J’ai créé Le Rouge à Ongles pour contribuer à aider les femmes à être vues et entendues.”
À son échelle, Elise développe son entreprise et participe à l’évolution de toute une société en soutenant la création d’emploi pour les femmes sourdes. Ce qui est signe d’espoir et de positivité lorsqu’on sait que le taux d’emploi en 2014 était plus faible quand les personnes ont une limitation fonctionnelle auditive très grave voire totale, seuls 49.8 % des personnes entre 20 et 59 ans sont alors considérés comme actifs occupés (la DREES). Accompagnée de ses équipes, elle a mis en place une première session formation au métier de manucure professionnelle adaptée au public sourd, puis a ouvert son premier studio dans lequel les filles travaillent
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© Le Rouge à Ongles
Makann Magassa est une femme de 25 ans sourde à 100% depuis la naissance. Un CAP en poche et un BAFA, elle intègre en janvier 2022 la formation de manucure professionnelle proposée par Le Rouge à Ongles. Makann travaille aujourd’hui chez Griffe, le studio de manucure de la marque :
“Pour moi c’est une super opportunité et une nouvelle expérience. Nous sommes une équipe de femmes sourdes au studio et c’est une fierté pour nous de travailler ensemble. Les clientes ont accueilli le concept du studio chaleureusement et on s’adapte ensemble. C’est un vrai changement pour moi et je suis très heureuse de travailler là-bas !”
Existe-t-il une barrière entre les sourds et les entendants ? Makann nous explique son long processus pour se sentir elle-même avec celles et ceux qui ne partagent pas sa surdité :
“Quand j’étais plus jeune, c’était compliqué pour moi car j’étais dans une bulle et ne fréquentais que des sourds. Je ne savais pas comment communiquer avec les entendants. Après le lycée, j’ai commencé à découvrir le monde des entendants, grâce au travail, aux nouvelles rencontres, aux réseaux sociaux… Aujourd’hui, je me sens beaucoup mieux et plus à l’aise pour communiquer même si dans certaines situations c’est encore un peu difficile.”
En dehors de son métier dans l’esthétique, il arrive de temps à autre que certaines personnes entendantes lui demandent son chemin dans la rue. Lorsque Makann leur fait comprendre qu’elle est sourde, la plupart du temps, on lui tourne les talons en l’ignorant.
Mais heureusement, elle rencontre aussi des bonnes personnes davantage compréhensives : “Quand les gens sont ouverts, c’est formidable. Je suis devenue amie avec un barman qui, en comprenant que j’étais sourde, a fait l’effort de s’adapter avec le mime et en écrivant tout simplement. C’est une personne qui m’a tout de suite mise à l’aise, c’est des petites choses comme ça qui me rendent heureuse.”
© Le Rouge à Ongles
Selon Makann, il reste des progrès à faire dans notre société pour voir évoluer les personnes sourdes dans le monde de demain :
“J’aimerais voir des changements pour l’intégration des sourds à l’école, au travail, pour l’accès aux services essentiels comme les pompiers, la santé, … Une démocratisation de la langue des signes et d’accès pour plus d’égalité entre les sourds et les entendants”
Même si elle reste optimiste et qu’aujourd’hui n’est pas pire qu’hier, elle estime que les entendants manquent encore d’informations sur la surdité pour une meilleure communication.
Comme disait Zendaya en 2014, il ne faut pas oublier que :”Always remember we’re all human… #weallcraponthesametoilet #loveeachother “
Makann ne manque pas de faire passer le message avec conviction :
“Nous les sourd.e.s, nous sommes humain.e.s comme vous les entendant.e.s. La seule différence c’est que nous n’entendons pas. On peut communiquer que ce soit à l’oral, à l’écrit, par le mime, en langue des signes …”
Lorsque l’on demande à Makann quel a été son plus grand regret dans la vie, elle nous répond droit dans les yeux en nous disant que c’est de ne pas s’être ouverte au monde plus tôt.
Nous sommes tous et toutes différent.e.s et c’est sans conteste ce qui fait notre force. Les Nanas d’Paname ont ressentie les bonnes énergies de cette femme à travers ses mots : “Je suis fière d’être sourde.”