L’artiste plasticienne Alicia Paz est de retour à Paris pour sa nouvelle exposition : Juntas (Ensemble). C’est à la Maison de l’Amérique latine que ses toiles seront exposées du 27 janvier au 31 mars 2022. Un véritable voyage transculturel à la rencontre de femmes anonymes ou historiques, pour bousculer l’art avec sororité !
Inez Jean-Baptiste
Tout commence à partir de Simone de Beauvoir, la première femme au monde qui a inspiré Alicia Paz. L’honnêteté et la transparence des écrits de la philosophe et romancière parisienne, illuminent l’esprit d’Alicia. L’artiste franco-mexicaine avoue tendrement, à la fin de l’exposition, toujours avoir admiré sa manière de se représenter soi-même comme œuvre de sa vie.
Son exposition, Juntas (Ensemble), ne cesse d’évoluer dans le temps. Alicia Paz profite des confinements qui se succèdent depuis 2020 pour réaliser ses œuvres. Le temps passé chez elle, au Royaume-Uni, lui permet de remonter le temps et de s’inspirer de ces femmes qui ont marqué sa vie et qui la marquent encore aujourd’hui.
Parmi ces 49 femmes, peintes avec un effet céramique, se trouvent des nageuses, des philosophes, des chanteuses, des reines ou encore sa famille et ses amies. L’artiste peintre les dispose sur un mur afin qu’elles puissent communiquer entre elles et échanger, et ce malgré leurs différences. Elle s’exprime intimement, avec son doux accent d’Amérique latine : “Quand vous invitez des gens à une fête, vous ne savez jamais comment ça va se passer. Ici, c’est pareil. Elles se parlent de façons différentes selon la disposition qui varie.”
La première œuvre d’Alicia Paz sur laquelle vous tombez en entrant dans la Maison de l’Amérique latine vous appelle à l’admirer tel un chant de sirène. Courage Calls to Courage Everywhere, son nom n’est pas anodin puisqu’il fait écho à la militante Millicent Fawcett qui s’est battue pour que les femmes obtiennent le droit de vote en Angleterre. L’œuvre apparaît à la fois comme un trompe l’œil et une mise en abîme, sur un mur regorgeant d’histoires. Des femmes qui subissent un déplacement, un exil ou qui voyagent simplement. Des carreaux provenant de différents pays. Puis des herbes signifiant la vie qui revient !
Les femmes présentes sur cette toile sont issues d’époques, de pays et de métiers différents, toutes vêtues de bleu, de blanc et de doré. Le bleu et le blanc sont sans conteste les couleurs phares de ses œuvres, en clin d’œil à la Hollande et l’admiration que porte l’artiste pour l’océan. Les dorures, elles, représentent un aspect théâtral et la réparation d’un mur qui a vécu.
D’où provient cette fameuse obsession pour l’océan ? En regardent son tableau Pirates and Poets, tout est plus clair d’un coup. Même si pendant deux ans, Alicia Paz choisissait instinctivement les femmes qu’elle peignait, au fond de son grenier au Royaume-Uni, elles ont su trouver leur équilibre sur le tableau. Réunir des pirates du monde entier avec des chanteuses et des poètes, c’est un fantasme réalisé pour l’artiste : “On a d’un côté la poésie qui ose explorer les profondeurs de l’âme et qui renvoie aux profondeurs de l’océan. Puis les chanteuses de Blues, comme Nina Simone, en rapport avec la couleur bleu. Celles-ci échangent entre chanteuses, et certaines s’inspirent même du Gospel dans cette œuvre. Enfin, les femmes pirates puisque l’on en a jamais vraiment parlé, et je me sens moi aussi pirate puisque je pique des choses un peu partout.”
Ses paroles renvoient à la notion autobiographique d’une œuvre, comme le faisait Simone de Beauvoir qu’elle chérie tant. On retrouve cette notion à travers Pirates and Poets, puisqu’elle se considère elle-même pirate. Alicia Paz retrouve cet aspect de sa personnalité au fil de ses voyages et de son parcours. Nomade, elle est née au Mexique et a vécu en France, en Allemagne et aux Etats-Unis avant d’enseigner en tant qu’Associate Lecturer au Wimbledon College of Arts (en) de l’Université des arts de Londres.
Même si vous pensez ne pas apercevoir de femmes sur ses toiles, c’est faux. Si l’on regarde attentivement Medusa I et Medusa II, ses oeuvres ne représentent pas seulement des poulpes qui changent de couleur ou jettent de l’ancre tels des peintres acharnés. Ils sont également la représentation de la chevelure de Medusa, issue de la mythologie grecque.
Si Alicia Paz renvoie toutes ces œuvres à la féminité, c’est pour faire régner un esprit de sororité. Juntas (Ensemble) arrive à une époque où les femmes se soutiennent face aux violences ou discriminations, et rappellent au monde entier que se soutenir et s’entraider, c’est être plus fortes ensemble. Alicia l’a bien compris et veut le faire ressentir en rassemblant des femmes d’univers différents : “Entre femmes nos identités sont étroitement liées. On se construit en échangeant. C’est pour moi l’occasion de rendre hommage à ces femmes de façon démocratique. Une philosophe est tout aussi importante qu’une amie.”
Combien de femmes reconnaîtrez-vous parmi les proches d’Alicia et les femmes qui ont marqué le monde ? Irez-vous au-delà des frontières afin de retrouver les femmes qui se cachent derrière ses œuvres ? C’est le moment de ressortir vos livres d’histoire avant d’aller jeter un œil à l’exposition !